L’opposition en matière pénale : redonner la parole au prévenu jugé par défaut
- Valentin Dantinne
- 19 déc. 2024
- 4 min de lecture
Prévue par le Code d’instruction criminelle, l'opposition offre une seconde chance au prévenu condamné par défaut de faire valoir ses droits. Le présent article a pour ambition d’en expliquer le fonctionnement, les conditions et les effets, dans un langage clair et accessible.
Qu’est-ce que l’opposition ?
L’opposition est une voie de recours particulière, formée par la personne condamnée par défaut (sans avoir comparu ni été défendue) contre la décision rendue à son encontre. Elle se matérialise par un acte de procédure officiel : non seulement l’opposant informe la partie adverse (ministère public, éventuellement partie civile), mais il saisit également le tribunal qui a statué par défaut. L’objectif est de remettre le dossier sur le métier, cette fois en présence du prévenu, afin que celui-ci puisse s’exprimer, présenter sa défense et tenter de remettre en cause la décision initiale.
Délai et audience de réexamen
L’opposition entraîne de plein droit la fixation de l’affaire devant le tribunal, à la première audience utile suivant un délai légal de quinze jours, ou trois jours si le prévenu est détenu. Une fois ce délai écoulé, le dossier revient devant la juridiction qui a prononcé le jugement par défaut. Dans la plupart des cas, il s’agira de la même chambre du tribunal qui, désormais, examinera la cause de manière contradictoire.
Le tribunal peut alors être composé des mêmes juges que ceux qui ont statué par défaut. Contrairement à une idée reçue, cela ne viole pas le principe d’impartialité du juge ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que la seule identité de juges ne suffit pas à faire naître une suspicion légitime quant à leur impartialité. Le prévenu bénéficie ainsi d’un réexamen complet de son dossier, avec la possibilité de contester les faits, la qualification juridique retenue, la peine prononcée ou tout autre aspect de la décision initiale.
Recevabilité de l’opposition : conditions et exceptions
Avant d’examiner le fond, le tribunal vérifie la recevabilité de l’opposition. Plusieurs situations peuvent conduire à son irrecevabilité :
Non-respect des formes et délais légaux, sauf cas de force majeure.
Jugement non rendu par défaut : on ne peut faire opposition qu’à une décision prononcée en l’absence du prévenu.
Concours de recours : si le prévenu a déjà fait appel de la même décision, l’opposition n’est pas admise.
Opposition réitérée contre la même décision : l’on ne peut en principe multiplier les oppositions sur une même décision déjà annulée ou confirmée.
Si l’opposition est déclarée irrecevable, la décision prononcée par défaut reprend toute sa vigueur et aucune réouverture des débats n’a lieu.
L’opposition déclarée non avenue : quand le prévenu manque à nouveau à l’appel
Même si l’opposition est recevable à première vue, elle peut être déclarée « non avenue » si, lors de la procédure d’opposition, certains constats sont faits :
Défaut itératif du prévenu : Si l’opposant, après avoir obtenu ce nouveau passage devant le tribunal, ne comparaît pas et ne se fait pas représenter, le tribunal peut déclarer l’opposition non avenue. La conséquence est lourde : le jugement par défaut reprend son plein effet, comme si l’opposition n’avait jamais été formée.
Absence d’excuse légitime ou de force majeure alors que le prévenu connaissait la date d’audience : Le législateur entend ainsi éviter les manœuvres dilatoires. Toutefois, une marge d’appréciation est laissée au juge pour reconnaître des circonstances humaines, sociales ou personnelles qui expliqueraient l’absence du prévenu sans pour autant impliquer une volonté de se soustraire à la justice.
L’opposition déclarée recevable et avenue : un véritable réexamen du fond
Si l’opposition est non seulement recevable, mais également « avenue » (c’est-à-dire non déclarée non avenue), le jugement par défaut est annulé. Les débats reprennent alors comme s’il s’agissait d’une première comparution du prévenu. Ce dernier peut faire valoir tous ses arguments, demander la requalification des faits, présenter des preuves, solliciter une peine plus légère ou même obtenir son acquittement.
La juridiction ne peut, en aucun cas, aggraver la situation du prévenu. L’opposition est une voie de recours favorable au justiciable. Dès lors, la peine ne peut être alourdie par rapport à ce qui avait été prononcé par défaut. L’objectif est de ne pas décourager le prévenu d’exercer son droit à l’opposition.
Recours ultérieurs
En cas d’insatisfaction, un appel reste possible contre la décision rendue sur opposition. L’appel formé contre une décision déclarant l’opposition non avenue permet au juge d’appel d’être saisi du fond de la cause, garantissant un contrôle juridictionnel supplémentaire.
Conclusion : un outil de rééquilibrage au bénéfice de la défense
L’opposition est un mécanisme essentiel pour assurer la garantie des droits de la défense en matière pénale. Elle offre au prévenu, condamné par défaut, une seconde chance de présenter sa version des faits, d’apporter des éléments nouveaux et de corriger d’éventuelles erreurs ou malentendus ayant conduit à sa condamnation en son absence.
En définitive, l’opposition rétablit le contradictoire et la possibilité effective de se défendre, tout en encadrant strictement les abus potentiels. Si vous vous trouvez dans la situation d’avoir été condamné par défaut, ou si vous souhaitez en savoir plus sur l’opposition et les voies de recours, n’hésitez pas à consulter un avocat. En tant que professionnel du droit, il pourra évaluer votre dossier, examiner la régularité de la procédure, apprécier vos chances de succès et vous représenter efficacement devant la juridiction compétente.
Source : Marie-Aude BEERNAERT, Damien VANDERMEERSCH, Henri-D. BOSLY, Droit de la procédure pénale (éd. 2021) / Titre I. L'opposition, 19 janv. 2021, die Keure / la Charte.